Daniel Varenne Admin
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| Sujet: La mort de l'Espoir Dim 25 Sep - 18:18 | |
| - Citation :
- Rapport du : 17/09/42
Mission : La mort de l'Espoir Lieu : Arche, Fort Nihil, Halte de l'Espérance Présents : Daniel Varenne, Mélusine Greenwood, Brynhildr Asran, Alcinoé Fal'theril
Ordre de mission : Prendre Fort Nihil et mettre un terme aux activités de l'Arche Statut de la mission : Echec
Rapport de mission : Pour cette fois, je vais briser la neutralité des récits que j'efforce de maintenir lorsque j'écris un rapport. Ces lignes seront d'une importance capitale, et serviront de phare pour le futur où l'arrogance pourra, peut-être, venir embrumer nos pensées et nos espoirs. J'espère que la prochaine fois, nous serons capables de prendre le recul nécessaire, pour qu'une pareille tragédie ne se répète pas.
Nous venions de profiter de plusieurs jours de repos, au sein de la Halte de l'Espérance. Des jours précieux, qui purent nous permettre de reposer nos corps éprouvés par les combats incessants. Ces morts que nous ne pouvions empêcher ni prévenir. Ces longs mois semblaient avoir été des années. Depuis combien de temps les rebelles se sentaient-ils enfermés ici, sans pouvoir trouver d'autre issue que la mort ? Quelle force ont-ils eu, pour ne pas retourner leurs propres armes contre eux. Ils sont restés en vie, malgré toutes ces épreuves, pour ce combat auquel ils prêtèrent tout. Jusqu'à leurs vies.
Mais avant de nous jeter à corps perdu dans la bataille pour Fort Nihil, nous avions une autre promesse à tenir. Le Forgeron Colossal nous attendait. Et c'est au sommet de l'arbre que nous trouvâmes l'humanoïde aux yeux ardents. Nous devions faire un choix entre trois artefacts que nous avions ramené : le cœur de la bête du vide, l'écho de Lucius, ou la Pierre de l'Eclipse. L'un d'entre eux devait être sacrifié sur l'autel de la forge d'une arme capable de blesser le Père des Carnages. Alors, je fis le choix de sacrifier le cœur. De l'écho de Lucius naquit l'Eclat d'Hémorragie, le souvenir de l'une de ses lames. Cruelle, mais puissante, elle saurait devenir un outil précieux dans la lutte contre les forces qui se vouent à la fin du monde. Au sacrifice du cœur fut forgée Clarent, une épée colossale où s'est concentrée toute la volonté de son créateur, qui nous révéla son nom : Osteranos. Après avoir renouvelé notre promesse de l'utiliser pour vaincre Gadreel, nous le quittâmes - pour la dernière fois.
Très vite, nous sommes partis, accompagnés des trois chevaliers d'Auroréa, rejoindre Victoire et Asmer, aux abords de la berge. La prêtresse et dirigeante des forces rebelles étaient en train de s'épuiser à maintenir les vies de dix rebelles, qui souffraient de la ruine d'Asbeel. Après un bref échange, nous avons convenu de nous séparer ici, avec Victoire à l'arrière pour sauver ces dix vies, pendant que le reste des forces s'en iraient prendre Fort Nihil. Asmer nous accompagna. Enfin, il était temps de naviguer jusqu'à la conclusion de cette éprouvante guerre. Est-ce que nous aurions pu faire autrement ? Aurions-nous pu ne serait-ce qu'imaginer pareil destin ?
Nous étions quatre-vingt dix à quitter la berge de la Halte de l'Espérance, pour voguer jusqu'à Fort Nihil dont nous voyions à peine l'horizon. Dix huit barques qui s'en allaient affronter un ennemi dont ils ignoraient l'ampleur et la nature. Je ne saurai pas me souvenir de ce qui me venait à l'esprit, alors que je frappais les vagues des rames. Peut-être pensais-je à ceux que nous laissions derrière nous. À ceux que nous perdrions, sans que ce soit possible de les sauver ou de l'éviter. À cet inévitable auquel il fallait se faire. Pourtant, nous étions déterminés, et je savais que chaque cœur, s'il était empli d'une crainte inéluctable, croyait à la possibilité d'une victoire. J'y croyais.
Et c'est précisément lorsque nous y avons cru qu'est venu le premier de nos rappels à la réalité. Un bruit sourd, comme une corne de brume métallique, celle d'un moteur infernal. Il sonna une fois, deux fois, trois fois. Et c'est sur ce seul son que ne tarda pas à apparaître un projectile de flammes gangrenées entre les nuages, pour s'écraser sur deux barques. En une seule seconde, dix braves étaient déjà tombés, avant même que nous ne posions le pied sur le sol. Un second projectile parvint à être déjoué. Nous avons navigué comme un seul homme, tous liés par la volonté de survivre et de vaincre. Avec la vigueur de ceux dont le monde pesait sur les épaules, et qui étaient la cible d'un Saccageur Gangrené. Et malgré qu'un troisième projectile emporte une troisième barque, nous avons survécu, et posé le pied sur la plage de Fort Nihil. Nous avions la rage de vaincre, et de sauver ce qui nous était cher.
Je n'ai aucun souvenir de son architecture. Je n'ai eu aucune seconde pour l'apprécier ou l'observer. Il n'y avait que ces légions démoniaques et draconiques qui nous attendaient. Nous avons posé le pied à terre, pour nous élancer à la guerre. Les rebelles, trois chevaliers d'Auroréa, et Marchebruine, nous combattions tous ensemble pour vaincre et détruire l'Arche. Et les pertes ne tardèrent pas à s'alourdir. Nous gagnions du terrain, régulièrement, car la hargne et la hardiesse de chacun des aventuriers ne savaient s'éteindre autrement que par la mort. Mais lorsque les troupes ennemies battirent en retraite dans le village de Fort Nihil, notre groupe, encore, s'était allégé.
Nous n'avions pas eu le temps pour la moindre pause. Nous sommes partis à la poursuite de nos ennemis, jusqu'à louvoyer entre les bâtiments et rejoindre le front reculé. Là, nous attendaient le reste des forces de tantôt, ainsi que deux gigantesques chauve-souris démoniaques, qui gardaient le saccageur et le nombre incroyable de mo'arg qui le manipulaient. Les rebelles poursuivant les démons et draconides, nous nous sommes attelés à la destruction de l'incroyable menace imposée par la construction mécanique. Et il a fallu batailler pendant une heure durant pour démanteler ces engrenages de destruction purs, vaincre ces créatures infernales. Et ça n'a pu être possible que grâce à l'un des objets savants d'Asmer, car nous étions imparfaits, désarmés face à une force destructive pareille. Peut-être aurais-je dû, alors, réaliser la signification de ce grain de vérité.
Pourtant, à cet instant, nous avons sincèrement cru avoir gagné. Nous venions de terrasser le dernier des adversaires présent sur cette île. Et si nos pertes étaient colossales, si mon cœur s'était déchiré en voyant le nombre que nous étions devenus, j'y ai cru. Malgré tout, nous avons passé plusieurs heures à fouiller l'île, et à nous assurer que nous en avions bel et bien terminé avec la menace qu'elle représentait. À l'issue de cette recherche, est venue l'une des pires tâches qui incombe aux survivants : celle de rassembler ceux qui nous ont quitté, et qui ont donné leurs vies pour un noble objectif. Et je doute d'un jour oublier la vision de cette plage où se mêlaient les sangs rouges et verts, ceux du sacrifice et de la corruption. Combien de visages à peine aperçus ai-je rencontré alors, avant de les mettre dans ces barques qui nous ont mené ici ? Combien de corps coupés ai-je ramassé, pour offrir une sépulture à ces héros ? Et quel sens ça aura eu ?
L'heure était au deuil, mais aussi à l'action : nous devions retourner à la Halte de l'Espérance, afin de retrouver Victoire, et de célébrer ensemble ce lendemain nouveau pour la rébellion. J'étais partagé, tiraillé entre le doute et la joie d'enfin pouvoir véritablement fermer l'œil. Je crois que nous étions tous ainsi. Dans l'incapacité de traiter ce qu'il se passait. Et c'est sur le trajet de retour que la vérité nous a frappé de son caractère implacable et abject.
Nous avions échoué.
Pendant que nous progressions dans nos barques, nous avons vu en premier d'incongrues flammes s'échapper de là où devait se tenir la Halte de l'Espérance. Nous pouvions voir le feu hanter ces bâtiments que nous avions traversé maintes et maintes fois. Ce havre que nous avions connu, cette stabilité que nous avions fini par prendre pour acquise, s'était envolée. Et, si à l'allée, nos ramions avec la rage de vaincre et l'envie d'en finir, nous ramions cette fois avec le désespoir des désœuvrés. À peine leurs barques avaient-elles touché le sable que les rebelles s'en allèrent se noyer dans l'incendie omniprésent.
Je n'ai pas pu les retenir. Je n'aurai pas pu empêcher le moindre d'entre eux d'aller s'effondrer dans les dédales venimeux hantés par les Chevaliers du Carnage innombrables, et les Auspices de l'Abandon qui se dissimulaient derrière chaque recoin. Et jamais je n'oublierai les cris qui montèrent de ce qui fut autrefois notre refuge. Un à un, ils mourraient. Sans que je ne puisse faire quoi que ce soit. Sans que je ne puisse ne serait-ce qu'essayer. Car si la rébellion était perdue, nous devions malgré tout en sauver la dirigeante. En sauver le cœur. Et, peut-être plus que je ne m'en rendais compte, je voulais qu'elle survive à cette épreuve. Qu'elle, au moins, puisse en échapper. Alors, nous avons couru. Nous avons couru avec désespoir, quitte à ce que le sol finisse par se dérober sous nos pieds. Nous avons rencontré les restes détruits d'Osteranos, brisé par la haine. Et tout ça pour quoi ?
Pour goûter aux abysses. Car là où nous l'avions quittée il y a à peine quelques heures se trouvait désormais une figure de terreur absolue. Quelqu'un dont nous n'avions, jusque là, entendu que la terrible légende. Celui dont jusqu'il y a quelques jours seulement, nous doutions de l'existence. Un monstre absolu, un Chevalier qui n’avait de visage que celui de la haine qu’il renvoie au monde tout entier. Un heaume de plaques, à la visière clairsemées de trous n’exprimant que de malicieux faisceaux écarlates magiques. Un homme aux épaulières armées de piques et de cornes, en-deçà desquelles tombent deux langues de soie rouges dont il ne reste que des lambeaux. Un homme, porteur de la calamité. Un monstre, vecteur du désastre. Les derniers fragments d’un héros de jadis, devenu l’étendard de l’anéantissement.
Le Père des Carnages, Gadreel d’Auroréa.
C'était un instant d'horreur. Entre ses mains cruelle, il tenait Victoire par la gorge. Et à chaque battement de cœur qui s'échappait, nous perdions l'espoir de parvenir à la secourir. J'ai essayé de frapper Gadreel pour le contraindre à la libérer, mais l'écho de Lucius glissa contre les plaques sans même lui arracher la moindre réaction. Mélusine tenta de la téléporter à elle, mais échoua tout autant. Et le pire nous attendait une seconde après : Asran, armée de Clarent, l'épée forgée par Osteranos, et sa dernière création dans ce monde injuste, mit toute sa puissance dans un seul coup, une tentative de mettre fin à ce massacre sans sens. Et Clarent, l'arme qui devait vaincre un dieu, s'est brisée contre lui. Et avec Clarent s'est brisé toutes nos illusions. Nous ne pouvions rien faire.
Nous avons été forcés d'être les spectateurs de l'atroce mort de la cheffe des rebelles. Elle qui s'était dressée contre la mort personnifiée, elle qui avait rallié des braves à ses côtés pour défier l'impensable, voyait sa vie soufflée, et a perdu la vie sous le regard même de ceux qui avaient juré de l'amener jusqu'à la conclusion de sa quête. Victoire s'est éteinte.
Et nous savions que nous n'avions qu'une seule possibilité. La fuite. En une heure à peine, de conquérants, nous passions à rats nuisibles qui fuyaient la peur au ventre, en abandonnant derrière eux tout ce pourquoi ils se sont battus. Lâches, mais contraints par la force des chose, qui nous amenait à commettre l'impensable, et à renier notre essence même. Nous avions déjà eu à prendre la fuite, par le passé. Mais jamais ainsi. Jamais en... Abandonnant nos alliés derrière nous. Car le Père des Carnages progressait vers nous, et il n'y avait aucune pitié dans son regard. Aucun autre destin qu'une mort cruelle, comme celle qu'il avait infligé à la prêtresse.
Marchebruine, accompagnée par les trois chevaliers d'Auroréa et Asmer, opéra une retraite en direction de l'atelier de l'étherien, où il possédait l'équipement nécessaire pour nous permettre de nous téléporter ailleurs. Pendant notre fuite, nous avons été retenus par les séides de Gadreel. Nous avons fuit, plus que combattu, en nous débattant pour ignorer et contourner ceux qui se vouaient à nous faire perdre du temps. Et, à force d'efforts, nous avons pu rallier le tunnel sous l'auberge où nous avions passé nos nuits.
Nos bottes plongeaient dans des mares de sang. Au plafond, partout, étaient accrochés les corps éviscérés de nos alliés. De ceux avec qui nous avions combattu. Chacun se trouvait dans des postures plus abjectes et immondes que les précédentes. J'avais envie de vomir. Mais nous devions fuir. Et ces visions, que je ne saurai décrire plus avant, seront à jamais gravées dans mon esprit.
C'est à cet instant que sont apparus les trois hérauts. Armaros, et ses cruelles provocations. Tamiel, et ses insidieuses condamnations. Asbeel, et son absolue destruction. Ils entendaient nous retenir, eux aussi. Mais ce n'était pas sans détruire le peu que nous avions encore en nous. Les deux premiers hérauts ne se privèrent pas pour nous accuser de ces tragédies, de ces morts que nous aurions pu éviter en ne nous impliquant pas à cette campagne. Ils voulaient les convertir, après tout.
Et le pire est qu'ils avaient raison.
De notre implication n'a résulté qu'un échec, et la mort de nos alliés. Leur sang, au moins partiellement, est sur nos mains. C'est un constat amer, et alors que j'écris ces lignes, je ne saurai déterminer si je regrette ou non d'avoir amené Marchebruine dans cette campagne. Au moins puis-je trouver un grain de consolation en sachant que ceux qui se laissèrent convertir n'étaient pas promis à un destin enviable pour autant. Au moins peuvent-ils désormais se reposer dans ce qui nous attend derrière la mort.
Notre fuite touchait, à cet instant, à sa conclusion. La mort aux trousses, nous avons fini par gagner l'intérieur de l'atelier d'Asmer. Là, alors que l'arbre brûlait, et que nous allait s'effondrer autour de nous, nous avons pu être téléportés ailleurs, au Refuge des Embruns, sur la promesse du Carnage que qu'importe où nous allions, le temps qui s'écoulerait, ils finiraient par revenir, et apporter avec eux la Fin des Temps.
Nous sommes au Refuge des Embruns, désormais. Livrés à nous même, incapables de prévenir le monde car celui-ci ne risquerait pas de croire un récit aussi démentiel. Nous sommes les seuls à savoir quel danger guette et pourrait survenir n'importe quand. Nous goûtons à l'absolue solitude, et nous avons perdu, dans cette campagne, les seuls alliés que nous avions trouvé.
Il ne reste désormais pour affronter les forces du carnage que les chevaliers d'Auroréa, Marchebruine, et les deux survivants du cartel éthérien, Asmer et Sal'zar.
Que la Lumière nous vienne en aide.
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