Marchebruine
Messages : 100 Date d'inscription : 18/04/2018
| Sujet: Renaissance Ven 15 Juin - 18:15 | |
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Se transformer tranquillement en cendres, en humus, engraisser les vers, nourrir les plantes, permettre au cycle de la vie de poursuivre son cours. C'est la seule forme d'éternité à laquelle je puisse aspirer. - André Bink
Au courant de la nuit du 14, le druide se réveilla en sursaut. Le front couvert de sueur, les yeux grands ouverts; il s'efforça d'étouffer le hurlement d'effroi qui remontait du fond de ses entrailles pour épargner à sa compagne un réveil brutal. Elle n'a pas besoin de ça. Elle doit se reposer. Sa main unique tremblait comme une feuille, son corps tout entier était pris de légers spasmes et il plaque instinctivement la main contre la fente nette et à peine cautérisée qui marquait sa poitrine d'un sceau qui jamais ne cesserait de lui rappeler ses erreurs. Lentement, plein de précautions qui lui furent toutes plus difficiles à mettre en oeuvre les unes que les autres à mesure que l'élixir de Clarisse se dissipait dans ses veines. La douleur était croissante, et il avait la certitude absolue qu'il ne tiendrait plus très longtemps. Le regard terni par la souffrance, le jeune homme s'extirpa de son doux linceul en silence, manquant de défaillir à chaque pas qu'il faisait vers la sortie de la tente. Je suis mort...? Il s'interrogeait encore, mais il connaissait déjà la question. Fébrile, chancelant, il passa un pantalon seul et se saisit de sa ceinture d'une main fébrile en quittant le confort de son refuge d'un pas léger mais hésitant. Si tôt qu'il fut dehors que le worgen se laissa chuter lourdement dans l'herbe fraîche et encore imprégnée de la rosée nocturne. La lune était encore haute, fissurant le voile sordide des nuages grisâtres qui recouvraient le ciel, et si sa lueur pâle avait quelque chose de réconfortant, il lui fallut bien vite engloutir sa dose habituelle. Habituelle. C'était un bien grand mot; puisqu'il s'agissait seulement de sa seconde prise depuis que la démoniste lui avait fendu le coeur en deux pour arracher l'âme persistante d'Amon; déchirant ce faisant un fragment de son âme à lui. Mais si ce n'était encore une habitude, cela le deviendrait pour les semaines à venir. Je suis mort...
Ce terrifiant constat lui permit de tenir les quelques instants qu'il fallut à l'élixir pour faire son office, et bientôt, la douleur déserta son corps alors que ses pensées s'ordonnaient de nouveau dans sa tête. S'il avait peu dormi, il fut soulagé de constater qu'au moins, il avait bien dormi. Les murmures de son aîné s'étaient tus, et si le pont, autrefois solide et inébranlable, qui le reliait aux voix apaisantes de la Nature était encore tout aussi fébrile que lui, cela lui apportait plus de réconfort que toutes les séances de méditation qu'il avait pu accomplir auprès de son maître. Est-ce là une seconde chance ? Sans tarder davantage, Seth se redressa promptement et se laissa bien vite étreindre par les bras puissants de la bête. Son corps se déchira dans une série de craquements sinistres tandis qu'il s'éloignait d'un pas décidé, ses membres antérieurs s'inversèrent, ses bras s'allongèrent jusqu'à atteindre des proportions inhumaines, de longues griffes complétent ses doigts alors que son visage disparut dans la gueule pleine de crocs acérés du Worgen. La bête et lui ne faisaient plus qu'un; s'il devait accorder un seul bénéfice à la présence du spectre dans son corps, c'était bien de lui avoir permis de réaliser comme il était et devait être proche de la créature qu'il avait pourtant toujours considéré comme le plus redoutable de ses ennemis. Malgré les fruits offerts par Clarisse, la faim lui tiraillait le ventre, et s'il hésita un moment à céder, ses instincts de chasseur prirent bien vite le dessus. En quelques foulées rapides; accommodé à sa nouvelle condition, le Druide s'engouffra plus profondément dans la forêt des embruns et se terra à l'abri d'un banc de buissons fournis et s'immobilisa complétement. Les sens aux aguets, le museau tendu, il s'imprégna de la vie qui fourmillait tout autour de lui. Libéré de la pression glaciale que lui imposait son frère, il se plut une fois de plus à réaliser que la mort l'avait, étrangement, rattaché à la vie; et si sa connexion n'était plus aussi forte qu'elle ne le fut, il avait la certitude absolue qu'il ne s'agissait que d'une question de temps. L'anneau de lierre flétri enroulé autour de son majeur lui rappela la promesse qu'il avait fait à la démoniste, et il suspendit un moment sa traque pour se laisser bercer par le réconfort qu'il lui apportait. Malgré son aspect, il pouvait encore sentir une étincelle de vie qui palpitait dans l'entrelacs de branches qui le constituaient. A son instar, cet anneau avait été exposé trop longtemps au mal et à la corruption, et il l'accompagnerait dans sa renaissance jusqu'à l'efflorescence. Le bris d'un tas de branches mortes à quelques pas de son guet improvisé le coupa dans ses réflexions, et, sans même un regard, ses pattes antérieures se déployèrent subitement tandis qu'il s'élançait vers sa proie. Un lapin. Un simple lapin; qui eut le malheur de quitter son terrier avant les premières lueurs du jour, et qu'il parvint à saisir entre ses griffes en le coupant dans sa course.
Sa proie était soumise à sa seule volonté; mais il ne la tua pas tout de suite; bien qu'il en salivait d'avance, le Worgen s'éloigna d'un pas tranquille pour joindre le bosquet meurtri qui avait essuyé la décharge de mana engendrée par le sortilège de Livia quelques jours plus tôt. Sur son chemin, il ne fit qu'un écart pour récupérer et coincer entre ses dents son bâton, abandonné dans un coin depuis son retour tant il lui était douloureux de le regarder aujourd'hui. Les plantes autrefois vives et fleuries qui y étaient enroulées et germaient constamment quand il le portait étaient mortes, et le bois lui même semblait avoir vieilli de plusieurs années quand il l'y retrouva. Aujourd'hui, il n'en faisait plus grand cas, et poursuivit sa route l'esprit serein et vidé de toutes pensées obscures. Une partie de moi est morte, et une autre est revenue à la vie, se dit-il simplement tandis qu'il s'installait là où Daniel avait subi sa colère un peu plus tôt dans la semaine. La vie toute entière est soumise à ce cycle, nul n'y échappe...Nul ne s'y soustrait. Sur cette pensée, le druide rompit la nuque de sa proie étrangement apaisée par sa prise, aussi consciente que résolue du sort qui l'attendait. Il déposa le lapin dans l'herbe avec une tendresse rare, l'observant un moment avec un regard empreint d'une empathie qui semblait l'avoir désertée jusqu'à peu, et se mit à gratter le sol du bout de la patte, formant un creuset dans lequel il laissa tomber les graines des fruits qu'il avait dévoré après son entrevue. Sans tarder, il y ajouta les restes de son bâton réduit en une dizaine de tronçons débités à coups de dents, puis se tint au dessus de sa petite préparation tandis qu'il déchirait la chair fraîche et sanguinolente de sa proie à grands coups de mâchoires.
S'il se repût de sa viande avec délice, il laissa toutefois la terre du creuset s'imprégner de son sang qui dégoulinant d'entre ses crocs, puis en offrit la carcasse à la terre avant de se redresser pour s'en aller prélever de la terre saine à proximité et l'en recouvrir précautionneusement. Tout y était. Tout les éléments qui constituaient la Vie dans son état le plus brut étaient réunis dans ce qu'il estimait représenter le berceau de sa renaissance. Les graines illustraient la vie à venir, le bois et les plantes meurtries de son bâton la vie perdue, la carcasse symbolisait la mort, et le sang encore chaud et fluide, symbole de la vie qui palpite et s'accroche. Avec une lenteur exagérée, le druide se redressa et se livra au tracé d'une série de symboles du bout d'une griffe, entonnant un chant guttural dans une langue antique que pratiquaient les hommes d'antan et que certains sorciers des moissons cultivaient jusqu'à peu dans les campagnes reculées de Gilnéas; la voix basse, rauque et grave, bien qu'il eut conscience qu'elle ne porterait pas jusqu'aux tentes et ne passerait certainement pas les murs de l'ancien monastère qui leur servait de refuge. Sans discontinuer, Seth abandonna sa ceinture et les sacoches qui y sont suspendues à même le sol, s'installant au centre de tout ses tracés avant d'écraser un mélange de plantes aux teintes bleuâtres dans un mortier prévu à cet effet, s'en allant le remplir dans la rivière qui ruisselait à proximité pour en alléger la consistance.
Il se posta ensuite là où l'éclat lunaire filtrait le mieux entre les feuilles mortifiées du bosquet meurtri, présentant la mixture pâteuse à l'Enfant bleu dont les rayons fébriles parvenaient à peine à fendre la mousse épaisse des nuages qui couvraient le ciel. Ses incantations montèrent dans des graves plus improbables encore; et sa voix s'étira tant qu'elle finit par s'imprégner d'un timbre propre à sa race bestiale, et c'est à cet appel que la Lune et les cieux réagirent doucement. Une fissure déchira le voile nocturne et un faisceau d'un bleu doux et rassurant s'étira tout autour de lui tandis qu'il s'inclinait docilement, tombant à genoux pour plonger la patte dans la mixture et marquer son corps à demi nu d'une autre série de spirales que l'éclat de la lune firent briller d'un azur vif et étincelant. Les marquages au sol ne tardèrent guère à s'imprégner eux aussi, et il fallut qu'il boive ce qu'il en restait pour finaliser le rituel. Le breuvage fit effet immédiatement; et les yeux du druide se révulsèrent tandis qu'il se laissait aller à une danse languissante et transcendantale, se redressant comme si des fils invisibles le tenait par les épaules; se laissant porter par les énergies qui l'entouraient, léger et erratique dans ses mouvements qui lui vinrent naturellement. La terre se mit à frémir sous ses pattes, l'air se mit à trembler tout autour de lui, et c'est un spectacle rare et sublime qui s'offrit aux yeux des oiseaux nocturnes du refuge. Imprégnée par la force salvatrice des grands astres, phares spirituels de la la sorcellerie des moissons comme des druides de l'autre continent, une pluie fine et étincelant d'un bleu paisible se mit à tomber sur le refuge. Une bruine rafraichissante accompagna bientôt le druide dans ses psaumes surnaturels, et la vie trouva bien vite son chemin. La terre revitalisée reprît quelques couleurs, à l'instar de l'herbe couchée par la déflagration des arcanes qui se redressa timidement là où la vie reprenait ses droits. L'écorce malade des arbres voisins se mit de nouveau à suinter de sève, et les feuilles mortifiées tombèrent des branches qui émirent quelques craquements quand le sang des arbres se remit à couler à l'intérieur. Elles ne tardèrent guère à moisir, à mousser et à fondre dans le sol mutilé, lavées de leur corruption comme le druide l'avait été avant elles.
C'est au terme de plusieurs heures de transe ininterrompue que le worgen s'effondra aux premières lueurs du jour, vidé de toute son énergie, mais retrouvant bientôt sa forme humaine pour afficher aux curieux qui passeraient par là un visage serein et apaisé; à moitié noyé dans les brins d'herbe partiellement régénérés qui cernaient son corps tout entier et semblaient danser autour de sa silhouette qui ne semblait craindre ni le froid ni la pluie. Là où le druide avait installé son petit creuset germait désormais la pousse d'un tout petit arbre, pas plus haut qu'un bras d'enfant, au bout duquel gonflait tranquillement un bourgeon épais duquel se mit à sortir une fleur d'un rouge vif et intense dont les pétales semblaient envelopper un coeur vermeille qui palpitait d'une énergie apaisante...
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